l Le procédé de la relique

Mon travail plastique s’est construit dans ses débuts autour de deux notions : la surface peinte et le geste. Intimement lié à son acte de fabrication, la peinture prend ainsi naissance dans cette action pour devenir objet. Voire, si elle se prolonge, cette action devient plus importante que « l’objet peinture » lui-même. Alors chaque technique répond à une rythmique de travail particulière, lent procédé donnant lieu au moment de la réalisation à un objet presque mystique, souvenir de l’instant durant lequel il est créé et indissociable de celui-ci.

Omniprésent narrateur du vivant, l’art plastique peut être considéré comme un simple mythe. Fait-il partie du réel, du présent, ou est-il un simple reflet du passé vécu ? L’œuvre une fois créée deviendrait-elle la trace d’un moment, comme pour mieux nous rappeler cet instant éphémère, impalpable, déjà passé de la rencontre ? Et si cette trace était une sorte de relique, faisant partie d’une collection d’objets afin de mieux « re-garder » le temps, preuve d’un vécu plus ou moins proche ; plus ou moins réel. Même si la rencontre dont il s’agit est bien une fraction de la réalité.

Pourtant si l’éphémère inquiète en art plastique, il n’en est pas de même et loin de là, en art vivant. Quand je travaille avec les chorégraphes Sophie LANDRY ou Emmanuelle ROUSSE et que le public se laisse conquérir par leur travail, nul doute qu’il ne reste rien d’autre, quelques instants après l’action, que le souvenir de la danse, de cette sensation aérienne du sublime. Pourtant cet instant d’après n’est jamais appréhendé. Pas plus que celui d’avant n’est regretté. Alors qu’en art plastique l’homo sapiens veut de l’empreinte ! Cet Homme d’aujourd’hui, comme celui de toujours, veut posséder et garder. Peut-être pour concevoir cet instant concret qui lui échappe et le renouveler inlassablement grâce à cette trace qu’il possède et collectionne précieusement. Ce fascinant besoin de mémoire domine dans nos choix de fixer ainsi le temps sur un support, comme pour figer l’impalpable. Une manière de se souvenir, de ne pas oublier. Comme les peintures rupestres indiquaient les façons de chasser ou celles de se réunir, l’art contemporain nous raconterait-il simplement des histoires pour ne pas les oublier ? De la vision théâtralisée de notre quotidien concret à la simple expression abstraite d’un sentiment. Je regarde, puis je garde pour pouvoir regarder à nouveau… ainsi je possède un « échantillon » de cet instant vécu qui n’est plus. Ma relique est là pour me « prouver » que qu’il ne s’agissait pas d’une illusion.

l L'objet d'art et le fétiche

L’objet permet donc de stigmatiser les sentiments et de nous en souvenir. Alors cet objet symbolique est-il objet d’art ou relique ? Car dans les deux cas la place qu’il se donne est celle de transmettre un début de réalité. Pour exemple, admettre que les boites de Christian Boltanski sont pleines de souvenirs (je n’en ai aucune preuve), c’est accepter ce qu’il y a dedans et donc d’y être confronté. Donc il suffit d’avoir la conviction de l’existence d’une histoire imaginaire, d’un fantasme, pour lui donner un début de crédit, et donc une forme d’existence. Et pour en revenir à nos « œuvres d’art », nos « actes créateurs », ces objets ne sont pas forcément la preuve d’un instant vécu, mais ils participent à l’histoire. Ils peuvent être une trace, le souvenir d’une trace, mais aussi la description d’un souvenir imaginaire. Fabrication de « trace souvenir » ou « souvenir d’un instant sous forme de trace ». C’est là le paradoxe qui chahute la frontière entre la relique et l’objet d’art. L’un fait œuvre, l’autre fait preuve… mais lequel ?

Est-il dès lors besoin de représentation pour ne montrer que la seule réalité matérielle de la peinture ? Mes cinq années de recherches aux Beaux-arts de Paris guidées par Ouanès AMOR et Claude VIALLAT m’ont amenées petit à petit à organiser mes motifs et le travail de la couleur autour d’une peinture réduite à son plus simple mécanisme : Raconter une histoire et jouir de cette narration. De plus, la notion du récit systématique de la sensation est devenue un des seuls impératifs pour renvoyer le spectateur à son imaginaire. Les techniques de cette peinture sont simples : encres, pigments, acryliques, toiles enduites, bâches, papiers, parfois polyesters remplaçant le lin et le coton pour donner aux surfaces des transparences plus fragiles ou une luminosité diaphane singulière. L’esthétique de ces tableaux est elle aussi réduite aujourd’hui au plus primitif langage, que cela soit pour les petits formats ou les réalisations monumentales de plus de six mètres de haut, les matières, couches, coulées, ou jets de couleurs signent des formes épurées. C’est autour de ces notions, proches de celles de « support - surface » ou de « l’expressionnisme abstrait américain », que je développe aujourd’hui une création plastique réduite à la gestualité de l’écriture picturale et de la couleur et la mise en scène de celle-ci.



 

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