l L'influence de l’irréel

En préambule, je reviens un instant à ma première installation d’objets peintures, dans le cadre de la Winchester School of Art en 1995. Dans un lieu clos, des représentations multimédias de visages, tantôt objets, tantôt tableaux se répondent : semi obscurité, terre sur le sol, encens, son du vent mêlé de chant Nô, tous les sens sont engagés. Dans son parcours, le spectateur découvre le travail plastique d'une façon autre, presque mystique. Le visiteur se voyait proposer une expérience totale sur la question de la représentation et du lieu. Cette installation fut catalytique, car en fait, au plus loin que remontent mes souvenirs de peinture, j’ai toujours conçu la réalisation plastique en tant qu'« objet à installer », avec la nécessité de donner du sens à l’endroit où sera le tableau après sa réalisation, comme si le lieu où il se trouve avait autant d’importance que l’objet lui-même. Les propos d’Henri MATISSE dans une correspondance avec A. ROMM en 1934 sont pour moi édifiants : « La peinture architecturale dépend absolument de la place qui doit la recevoir et qu’elle anime d’une vie nouvelle. Elle ne peut en être séparée, une fois qu’elle y est associée. […] Dans ce cas, c’est le spectateur qui devient l’élément humain de l’œuvre. »


l Mettre en scène la peinture

C’est avec à l’esprit l’idée de mettre en scène la peinture que je construis la plus part de mes projets. Que cela soit pour les scénographies réalisées en collaboration avec des chorégraphes, pour les scénographies événementielles tels que par exemple les projets Le Corbusier autour de la Fondation Suisse CIUP (direction et mise en espace de colloque, scénographie d'exposition, projet de décors) ou de lieux de restauration, et bien entendu pour de nombreuses pièces de théâtre et performances. Le Corbusier parle justement de cet « espace indicible » crée par l’équilibre de l’agencement d’un lieu et j’ai eu la chance d’habiter quatre années dans un pavillon construit par le grand architecte. Cette expérience fut particulièrement enrichissante car tout dans son architecture est équilibre, jeux de lumières et d’espace. Il exploite ce constructivisme cohérent partout, même dans sa peinture, comme pour mieux organiser le sensible. L’analyse d’un de ses espaces est étonnante, car autant il rend cartésienne son analyse de l’équilibre de la construction, autant il fait apparaître dans son architecture cette spiritualité qui lui est si chère. Le fait d’avoir vécu dans ces espaces est expérience à part entière et je me risquais à ces lignes dans le catalogue de l’exposition de 1998 édité pour les 50 ans du mural Le Corbusier et dont je fus le commissaire : « […] Vivre quelques instants dans ces lieux, devant le mural, dans un bon fauteuil, respirer le silence de ces espaces permet peut-être de comprendre que cet architecte – novateur de la pensée urbanistique contemporaine – fut aussi un grand plasticien, un poète de la forme colorée et du verbe, un penseur efficace du bien-être. » Et c’est bien de cela dont il s’agit : influencer le visiteur pour qu’il vive, dans un espace donné, une expérience unique auquel tous les éléments participent. Alors pour penser la réalisation plastique comme un espace global, j’ai petit à petit mis en place d’autres sujets visuels autour des décors, tels que les lumières, le son, les costumes, pour que le "tableau" devienne décor. La notion de « bon fauteuil » est présente pour offrir au spectateur la possibilité d’avoir une réflexion personnelle dans la sérénité. Car si le lieu et toutes ces sensations mises en scène influencent globalement le visiteur, il en va de même que cela puisse le renvoyer à beaucoup plus qu’une simple balade visuelle dans une œuvre décorative. L’impact est à la hauteur de la mise en scène et le message émis dans ce sens sera aussi fort que les éléments seront cohérents.


l Technique et vocabulaire

C’est ainsi qu’une autre frontière disparaît encore entre installation, scénographie et événement. C’est bien le même propos qui tient le devant de la scène : provoquer une réaction. Dans un événement où l’on parlera de bien être, on poussera peut-être le plaisir jusqu’au gustatif. Par opposition à cette démarche de bien-être, le questionnement sur le genre humain et le mal-être est total lorsque Pascal RAMBERT dans « After / Before » fait tomber du plafond des milliers de billes de métal sur ses comédiens en danger. Dans le spectacle « IN » de S. LANDRY, ma scénographie confronte le spectateur à une lumière néon, face public, symbolisme de machine et de déshumanisation ; dans « Si ce n’est toi » d’Edouard BOND, j’ai utilisé la même idée pour prendre le spectateur à témoin de ces rapports humains violents et banalisés ; à l’inverse, dans mes portes peintures installées en plein air à Môtiers (en Suisse), le marcheur contemplait librement les paysages au travers des réalisations visuelles installées. Que cela soit dans l’agréable ou le désagréable, c’est cette « mise en scène / mise en espace » globale qui donne tout son sens à mes installations scénographiques.





 

 
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